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Estampes du village de Đông Hồ , tradition reconnue par UNESCO

Interview de PASCAL Jean Pierre par Vu Hong Nam

pascal

VHN : M. Pascal, vous êtes connu comme un grand spécialiste des estampes vietnamiennes de Dong Ho, en France. Par vos articles parus dans « Les Carnets du Viet Nam » et vos expositions très remarquées (en particulier en 2015 au Centre Culturel vietnamien à Paris). Expliquez nous comment vous avez découvert ces estampes, et comment s'est développée cette passion pour cet art traditionnel vietnamien ?

Je suis arrivé pour la première fois au Vietnam en 1970. Le pays était encore partagé en deux et j’étais affecté au Sud, d’abord à Dalat comme enseignant, puis comme chargé des fonctions d’attaché scientifique près l’Ambassade de France à Saigon. A l’époque, il ne m’était pas possible d’aller au Nord. Or la tradition des estampes (à l’exception du village de Sinh, près de Huế) était surtout développée au Nord du pays, principalement à Hanoi (école de Hàng Trống) et à Đông Hồ. C’est donc par le remarquable livre de Maurice Durand, Imagerie populaire vietnamienne. EFEO, 1960, que j’ai pris connaissance de cette tradition. Très complet, il donnait toutes les clés nécessaires à la compréhension des estampes.

Par leur originalité, leur style, la variété des thèmes abordés et leurs légendes souvent poétiques ou ironiques, ces estampes offrent un panorama exceptionnel des différentes facettes de la culture vietnamienne : vie quotidienne, pratiques agraires, fêtes traditionnelles, croyances, symbolisme, morale, littérature, légendes, histoire et même propagande politique. C’est donc une des façons les plus plaisantes d’aborder la culture d’un pays. Plus diverses thématiquement que les images d’Epinal, elles sont aussi plus simples que les images chinoises qui sont à l’origine de cette tradition au Vietnam.

Par la suite, mon travail m’a amené, à partir de 1990, à effectuer chaque année une mission au Vietnam (encadrement de recherches en écologie forestière et cours dans les Universités de Hanoi et Hochiminh Ville). Depuis cette date, j’ai pu constituer une collection presque complète des estampes de Đông Hồ, du moins de celles qui étaient encore éditées.

J’ai constaté que de nombreuses estampes avaient été créées depuis le livre de Durand. J’ai eu la grande chance de rencontrer à Lyon Nguyễn Dư, qui est devenu mon ami. Grand érudit, c’est lui qui m’a traduit toutes les légendes, notamment celles écrites en caractères nôm, et je n’aurais certainement pas pu arriver à ma connaissance actuelle sans son aide irremplaçable.

Balançoire et jeu d'attraper l'anguille
Balançoire et jeu d'attraper l'anguille

VHN : Dans vos différentes expositions et conférences, vous faites preuve d'une profonde connaissance de la culture vietnamienne mais aussi de la civilisation chinoise. C'est une passion, mais aussi un esprit de recherche scientifique (votre carrière universitaire en est témoin) ?


Je me suis toujours attaché à connaître le mieux possible les pays dans lesquels j’ai vécu. Le Vietnam, bien sûr, mais aussi l’Inde où je suis resté 13 ans et retourne encore régulièrement pour des travaux de recherche. Quant à la Chine et le Japon, à part quelques trop courts séjours, c’est surtout par les livres et la littérature que j’ai pu les aborder. Je ne suis malheureusement pas très doué pour les langues et suis donc dépendant des traductions. Par chance, nous avons en France des traductions remarquables de la plupart des chefs-d’œuvre de la littérature asiatique.

S’agissant du Vietnam, les sources disponibles sont énormes et touchent pratiquement toutes les disciplines, car les études ont commencé très tôt, notamment par les travaux des chercheurs de l’EFEO (Parmentier, Bezacier, Cadière, Malleret, Nguyen Van Huyên, Durand, Papin.....). Mais on dispose aussi de nombreuses thèses (par exemple celle de Gourou), des articles et des revues de très grande tenue. Je pense, par exemple, au Bulletin desAmis du Vieux Huê (récemment accessible en CD) ou encore au Bulletin de la Société des Etudes Indochinoise. La plupart des romans, y compris contemporains, ont été traduits. Il n’est donc pas difficile pour tout esprit un peu curieux d’acquérir de bonnes bases de la culture du pays.

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Trois garçons attrapant des papillons et des poissons

VHN :Récemment à la Fête du Têt 2016 à Lyon-Villeurbanne, vous avez présenté quelques estampes que vous avez redécouvertes et envoyées aux artisans de Dong Ho pour une nouvelle gravure. Pouvez vous nous apporter des précisions ?


Après une apogée (fin XIXe - début XXe siècles), il y a eu un déclin,vers le milieu de XXe siècle, dans la production des estampes populaires. Sans doute à cause des guerres successives qui ont affecté le pays. Presque tous les villages vivant de leur fabrication ont dû cesser progressivement leur activité. Aujourd’hui, seules quelques familles maintiennent leur production :au village de Đông Hồ, à Hanoi et dans le village de Sinh. Heureusement, ces familles utilisent toujours les techniques traditionnelles et la récente reconnaissance par l’UNESCO de la valeur patrimoniale de cette tradition est venue à point pour stimuler leur activité. Mais elle reste maintenant principalement destinée aux touristes.

Au cours de cette période d’arrêt, ou de déclin, beaucoup de bois qui servaient à imprimer les planches ont été perdus ou gravement endommagés. Une très grande partie des estampes d’autrefois ne sont donc plus réimprimées aujourd’hui. Autre problème, la plupart de ces estampes ont des légendes en caractères démotiques nôm. Or peu d’artisans, et surtout peu de graveurs, peuvent lire maintenant ces caractères. Ils sont donc souvent omis dans les rééditions ou représentés de façon illisible.

Il m’a donc semblé que l’on pouvait essayer de reconstituer petit à petit le corpus des estampes perdues, en les recherchant dans les collections anciennes ou dans les livres. Deux livres en particuliers sont très précieux à cet égard : celui de Durand Maurice,Imagerie populaire vietnamienne qui a été réédité en couleurs en 2011, et celui de Oger Henri,Technique du peuple Annamite. 1909. Réédition en trois volumes en 2009 par l’EFEO. Mais on trouve aussi des estampes dans des musées, tel le musée du Quai Branly à Paris (collection Madeleine Colani), ou dans des catalogues d’exposition, comme celle réalisée par Petra Müllerová, au musée de Prague, ou celle organisée par la galerie Tretyakov à Moscou à partir de la collection du grand peintre futuriste russe Larionov qui avait rassemblé des gravures et estampes du monde entier.

J’ai pu ainsi apporter, ou faire apporter, des photographies, en couleur et à l’échelle aux deux familles d’artisans de Đông Hồ : MM. Nguyễn Đăng Chế, Nguyễn Hữu Sam et son fils Nguyễn Hữu Quả. Les 27 estampes apportées en 2013 ont toutes été reproduites et sont sur le marché maintenant. Une trentaine des 56 amenées en 2014 sont également terminées. Ce sont celles-là que j’ai présentées pour les fêtes du Tết à Villeurbanne. En 2015,27 autres estampes ont été remises et 38 devraient l’être cette année. Ce qui représente un total de 148. Mais je dois reconnaître que depuis quelques temps, j’ai de plus en plus de mal à trouver d’autres estampes anciennes. Si des lecteurs de ce texte en connaissaient, ou connaissaient des collections particulières, je leur serais très reconnaissant de me les signaler.

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